samedi 2 janvier 2010

Tirer les rois, le jeu du mois de janvier


Aux alentours du 6 janvier, on tire les rois. Comme on est, encore, dans la phase sombre de l’année, en manque de soleil, on les fête, avec une galette ronde, chaude et dorée, directement inspirée des fêtes de Mythra, le dieu soleil.

Le jour des rois, Gaspard, Melchior et Balthazar sont enfin arrivés jusqu’à l’Étoile. Le jour des rois, on se réunit pour jouer à se partager le soleil et désigner un roi.
C’est depuis bien longtemps un moment d’échange entre groupes sociaux, où riches et pauvres, puissants et subordonnés peuvent troquer, un temps, leurs rôles. L’enfant, qui est le roi depuis la fête de Noël, passe sous la table, et devient celui qui désigne le roi. Le plus petit de tous est chargé de dire qui va porter la couronne.  C’est à sa main « innocente » que le roi ou la reine devront leur heure de gloire, « innocente » comme celles des « innocents » suspectés de voler sa couronne à Hérode, et massacrés pour cela.

Il se cache sous la table et quelqu’un au-dessus de sa tête découpe la galette, puis montrant une part du gâteau, demande « Pour qui celle-là ? ». L’enfant nomme son père ou sa mère, ou un autre membre de la famille, dont il ne voit que les pieds. Autour de la table, les joueurs attendent que leur part leur soit attribuée, cherchant à reconnaître la boursoufflure, la bosse, la craquelure, peut-être dues à la présence de la fève. On ne mordra pas dans la pâte tant que tout le monde ne sera pas servi, mais des yeux on cherche déjà à deviner où se trouve l’objet magique. « Pour qui celle-là ? » - « Pourvu qu’il ne m’oublie pas, pourvu que j’aie la fève », ou, devenu grand  - « Pourvu que je ne l’aie pas » (soit par timidité, n’aimant pas à être sous le projecteur, soit par crainte d’avoir à choisir une reine).



L’enfant nomme le roi, mais c’est au hasard que la couronne sera attribuée. Tous réunis autour de la galette, nous pouvons être reine ou roi, et cela ne sera dû ni à notre mérite, ni à notre talent, mais à la chance. On « tire » les rois come on « tire » les cartes ou les dés. Comme dans tous les jeux de hasard, si je gagne j’en suis fier(e) mais si je perds je n’ai pas de honte à avoir, je n’ai juste pas eu de chance cette fois-là. Ainsi va la vie, un jour le soleil reviendra, un jour on sera reine ou roi, on aura cette chance-là.

La triche : l’enfant le plus jeune est sous la table, on sait comme il aimerait être « le roi », alors on  quand on dit « Pour qui celle-là ? » et qu’il se désigne, on glisse dans son assiette la part  qui laisse entrevoir la fève. Trichez si vous voulez mais ne vous faites pas prendre : si on découvre qu’on n’est pas devenu roi par chance mais par l’entremise d’un papa tricheur, on sera déçu par son papa mais surtout on ne croira plus à sa bonne étoile. ( Celle de rois mages bien sûr).


La fève dans le verre : le roi doit désigner sa reine, la reine doit désigner son roi. (Quel plaisir quand il s’agit, à 5 ans, de couronner sa maman, quel embarras quand on tire les rois au bureau ou en bonne société !).  Pour ce faire, chacun  ferme les yeux, et le roi  (la reine) fait tomber la fève dans un  verre. Les yeux fermés on boit,  tous ensemble, en chantant « le roi boit, le roi boit, le roi boit » jusqu’à ce que la personne choisie trouve la fève au fond de son verre.  Le roi alors lui remet une couronne.
Les yeux fermés, c’est encore au hasard que cela nous renvoie, mais aussi au noir – absence de lumière - et  à certains jeux à la mode comme les Loups garous de Thiercelieux. Quand chacun ouvrira les yeux, les rôles auront été distribués.

Ce jeu date de l’époque romaine comme l’explique Jean-Claude Ribaud dans Le Monde. Et Peau d’âne s’en souvint sans doute quand elle fit mine d’oublier sa bague dans le gâteau qu’elle servit au prince, donnant un petit coup de pouce au destin pour devenir reine à son tour.
Un jour le soleil reviendra, un jour on sera reine ou roi, on aura cette chance-là, mais si les contes nous enseignent de ne jamais perdre espoir, ils disent aussi de ne pas compter seulement sur le hasard, de mettre la chance de notre côté .


3 commentaires:

  1. Ça me rappelle un petit film de Charlie Chaplin, où Charlot avale une à une toutes les fèves (des pièces dans mon souvenir), mises au départ dans une seule galette par les autres personnages, qui ne veulent pas être désignés -je ne sais plus pour quelle tâche- et glissent discrètement leur fève dans la part de Charlot, qui va bientôt les régurgiter -c'est le hoquet final.

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  2. merci pour votre blog que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire et avec lequel je me sens tout à fait en phase en tant que mère et maintenant grand-mère (comme j'aurais aimé pratiquer votre métier !)

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  3. Je connaissais le principe de mettre la fève dans le verre du roi ou de la reine pour le/la désigner, mais je ne savais pas que cela se faisait les yeux fermés. Merci pour toutes ces informations!


    PS:
    @Brieuc: il s'agit du film "Le dictateur". Il s'agissait de se désigner en tant que "kamikaze". Peu étonnant que, pour une fois, personne n'ait voulu être le roi!

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