mercredi 15 septembre 2010

Les jouets pour faire semblant doivent-ils être ressemblants ?

J’étais dans un jardin, au pied d’une tour du 13ème arrondissement à Paris, tout à l’heure. En été, les ludothécaires sortent souvent des murs pour apporter des jouets et des jeux dans des endroits  qui ne sont pas « faits pour ça ». Viennent jouer les enfants du quartier, des immeubles avoisinants. Sur l’herbe on installe des nattes, et une petite variété de jouets pour faire semblant (dînette et docteur), pour mettre en scène (tapis avec des routes, garage, voitures), ainsi que des jeux d’adresse et de société, passe-trape en tête. 
À peine Claire et moi avions-nous commencé à remonter de notre antre les boîtes de jeux et de jouets, que deux petites filles sont venues nous aider à les installer sur l’herbe. L’une d’elle s’est aussitôt emparée de la mallette du docteur pour « faire une piqûre » bien qu’il n’y ait encore aucun malade à sa portée, ni comparse, ni poupée. Il n’y avait que moi, heureusement je l’intimidais un peu, sinon j’y passais !

J’ai déjà dit que les enfants arrivant en ludothèque revêtent souvent un costume avant toute chose, comme pour signifier qu’ils sont « en jeu ». Cette fois, il m’a semblé que cette petite fille, de 7 à 8 ans, déjà un peu grande, selon Piaget, pour jouer au jeu symbolique, marquait par là son entrée en jeu. Très vite, elle s’est détournée de la seringue (qu’elle a d’ailleurs rangée dans la mallette), pour jouer à des jeux dits de son âge. C’était comme si cet objet lui tenait lieu de porte fictive, puisque nous étions dans un jardin, pour elle la ludothèque était alors ouverte.

Il y a dans le jouet pour jouer à être, pour faire semblant, outre l’utilisation que tout le monde comprend, comme la seringue pour jouer au docteur, et au-delà de la fonction que nous connaissons bien aussi, d’initiation ou de dédramatisation, une clé spécifique, oui, comme un clé musicale au début d’un morceau, qui signifie « je joue », « on joue », « c’est pour jouer ».

Certains jouets du commerce sont on ne peut plus réalistes, comme les outils en réduction Bosch ou l’électroménager Miele. On peut alors imiter pour de faux, mais presque pour de vrai, les parents et les hommes de l’art. On dirait qu’on serait des bûcherons. Nous, les adultes, nous extasions devant la ressemblance si précise entre le jouet et l’outil réel.

Mais je me demande s’il n’y a pas un petit plus dans un jouet pour faire semblant moins res-semblant. Les jouets Oskar et Ellen, qui ont rejoint la collection AETRE récemment, poussent assez loin le clin d’œil : tout est en tissu, les outils qui s’attachent à la ceinture, la théière, les tasses et les petits gâteaux,  les baguettes et les sushis, c’est du VRAI POUR DE FAUX, quoi ! Ce ne sont pas les détails qui manquent, sachet de thé ou touche de wazabi, mais tout est en coton, pas de doute, c’est POUR JOUER. 
Et c’est comme si le plaisir du jeu était décuplé par cette distanciation.

Le jeu se rapproche ici de l’art, théâtre ou peinture, où les uns cherchent à s’approcher au plus près de la réalité tandis que d’autres s’en jouent.

Une histoire que l’on joue. On peut avoir envie d’y croire, et pour cela que ça fasse le plus vrai possible. On peut aussi prendre plaisir à jouer à y croire, à faire semblant de faire semblant… toute une histoire ! Dans laquelle rentrent des émotions, de l’humour, des complicités, et surtout une invraisemblable liberté. Car si c’est un jeu, tout est permis.