jeudi 31 décembre 2015

Des voeux qui grincent un peu

Il était une fois un pauvre bûcheron et sa femme. L’homme un jour attrape un lapin et s’apprête à le manger, mais le lapin l’émeut, lui parle de sa nombreuse famille et réussit à l’apitoyer. Dès que l’homme attendri le laisse partir,  le lapin, qui est en fait un génie des bois, lui propose de faire 3 voeux. ”Je voudrais, je voudrais… un bon plat de saucisses”, dit l’homme, et c’est ce qu’il trouve sur la table en rentrant chez lui. Il raconte l’aventure à sa femme, qui le traite de tous les noms, pour avoir prononcé un voeu aussi modeste et ridicule, alors qu’il aurait pu demander à être riche et puissant. ”Tu es trop méchante, rétorque-t-il, tiens je voudrais que ces saucisses te pendent au bout du nez !” Aussitôt la femme se retrouve avec un chapelet de saucisses au bout du nez. ”Oh, pardon ! Je suis désolé, dit son mari, je voudrais que ces maudites saucisse n’aient jamais existé !” Le troisième voeu se réalise et les saucisses disparaissent. Le malheureux bûcheron et sa femme se retrouvent pauvres comme avant. 

Il était une autre fois un pêcheur. Il trouve un jour une bouteille dans son filet, il enlève le bouchon et un énorme génie en sort, terrifiant. ”Il y a des milliers et des milliers d’années que je suis enfermé dans cette bouteille”, dit-il. ”D’abord je pensais que quelqu’un allait me libérer et que je réaliserai ses rêves, mais j’ai attendu 1000 ans sans que personne n’ouvre cette bouteille, alors j’ai commencé à être très en colère et je me suis dit que je sortirai et m’enfuirai, et j’ai encore attendu 1000 ans sans que personne n’ouvre cette bouteille, et ma colère est devenue terrible, 1000 ans encore sont passés, et toi qui a ouvert la bouteille, je vais te tuer !”- ”Que dis-tu ? dit le malin pêcheur, toi si grand, si imposant, tu prétends que tu étais dans cette petite bouteille ? Je ne te crois pas.” ”Ah non ? Tiens, regarde.” Et le génie se fait tout petit et rentre dans la bouteille. Aussitôt le pêcheur remet le bouchon. ”Au secours, pitié, ouvre moi. Je plaisantais… Ouvre moi, je réaliserai ton voeu le plus cher.” -”Génie, je t’ouvrirai si tu réalises mon voeu.” -”Bien sûr, demande, et tu seras exhaussé, si tu promets de me libérer.” 
- ”Oui, dit le pêcheur, je te libèrerai aussitôt. Voilà, écoute bien : je veux que mon voeu ne se réalise jamais”. -”Comment, dit le génie dépité, mais c’est impo-po,c’est impossible”. Et il reste enfermé.


Nous racontions ces histoires en théâtre d’ombres il y a quelques années, pour les fêtes de Noël. Nous avions une grande marionnette qui avait eu en cadeau une lampe dont sortait un petit génie, à qui la marionnette demandait de raconter des histoires…

J’y pense aujourd’hui. Des souhaits dérisoires, des voeux qui ne se réaliseront jamais.

Il y a un an, nous nous souhaitions joyeusement la bonne année, et quelques jours plus tard nous étions tous en larmes après le massacre de Charlie. Et puis le 13 novembre à Paris. Chaque jour Le Monde publie la photo de personnes assassinées ce soir-là, et quelques lignes rédigées avec leurs proches, chaque jour je me dis qu’ils auraient vraiment pu être mes amis… J’aurais aimé leur souhaiter à chacun une merveilleuse année 2016, comme à Cabu, comme à tous les disparus de janvier. Eux seront absents, mais leur famille, leurs enfants, et les victimes  de ces attentats qui sont encore en vie, cruellement blessés, quelle bonne année leur souhaiter ?
Il y a un an, nous trinquions en famille à l’annonce de deux naissances à venir. Nous avons perdu l’un des bébés peu de temps après, et l’autre a démarré avec beaucoup de difficultés sa vie de petit homme. Il va bien maintenant, mais comment ne pas penser à notre insouciance d’alors et fêter aussi tranquillement la nouvelle année ?
Cette année 2015 a été rude, nous nous dirons au moins l’espoir que 2016 soit moins dure, moins triste, moins angoissante. Et que les mauvais génies restent enfermés dans leur bouteille.

Quand arrive la période des fêtes et que vous les passez en compagnie de frères, d’amis, dont chacun sait que c’est le dernier Noël, le dernier Jour de l’an, qu’échanger d’autre qu’un triste sourire où l’on essaye de glisser le plus grand message d’amour possible? Je pense à eux aujourd’hui, et au courage qu’il leur fallait pour nous souhaiter une bonne année.

Bonne année, bonne santé, beaucoup de sous dans le porte-monnaie ! 
On sait bien que ça ne sera pas si simple, mais qui sait ? 



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