lundi 26 novembre 2018

Chansons cruelles et délectation de mon enfance

Un petit échange avec mon ami Charlie Guerrier, qui ne manque jamais de souhaiter une bonne fête à "ses Catherine", a fait revenir à ma mémoire les paroles complètes de La légende de Sainte Catherine. la chanson se termine joyeusement après que son père lui a coupé la tête. Charles Trenet en a fait une version très amusante, sans plus de compassion pour cette pauvre Catherine.


CLIQUEZ ICI pourLa Légende de Ste Catherine par Trenet

Alors que nous échangions sur notre indifférence enfantine aux malheurs de Catherine, Charlie évoqua Jeannette, qui refuse un mariage forcé et meurt avec son amoureux "pendouillé". Nous avons tous chanté à tue-tête et fort joyeusement :

"Si vous pendouillez Pierre

pendouillez moi zavec"

Ces  pères tyranniques et assassins, ces dénouements cruels ne nous accablaient pas, au contraire, les chansons se terminaient dans l'hilarité générale. Je parle de ma lointaine enfance, mais je crois que pour ce qui est de beugler des chansons cruelles, les enfants le font toujours avec la même délectation aujourd'hui.


J'aimais beaucoup aussi chanter Trois jeunes tambours à cause de la conclusion : le roi refuse la main de sa fille au jeune tambour jusqu'à ce qu'il apprenne qu'il est très riche (et dans certaines versions fils du roi d'Angleterre). Le jeune tambour l'envoie alors promener d'un "dans mon pays, y en a de plus jolies, et ran et ran, ran pataplan". La chanson se terminait par "la fille du roi en pleura toute sa vie", ce qui nous faisait ricaner, et la joie était à son comble quand on ajoutait un couplet maison : "ce qui prouve bien qu'ce n'était qu'une andouille". Dans mon souvenir, cet ajout malicieux était un commentaire de mon père à l'égard de ses filles, (on ne va pas pleurer toute sa vie pour un tel fat, ni pour avoir raté un riche mariage !) et j'ai transmis la chanson dans son intégralité grand-paternelle à mes enfants…


Il en est des chansons traditionnelles comme des contes, elles disent dans la joie des choses graves, elles permettent de rire de tout, mais aussi de tout évoquer, la maltraitance, la malfaisance, l'abus de confiance (le boucher dans la Légende de Saint Nicolas)…


Une étude parue dans le Nouvel Obs analyse ces chansons enfantines à double sens, sans doute destinées au départ à un public adulte, allusions à la fermeture des maisons closes -Nous n'irons plus au bois, ou contrepèteries -Il court il court le furet


La plupart des chansons cruelles sont "tout public", comme les contes,  qu'il ne faut pas édulcorer : oui, le loup mange la grand-mère et la trouve un peu dure (c'est drôle, non?). Au passage, le message est passé. Et notre plaisir sadique de petits monstres assouvi !


Voilà, voilà, et voilà et voilà et voilà…








lundi 12 novembre 2018

ÀÊTRE, 16 ans plus tard

Jouer à être un autre et devenir quelqu'un
Ce bel alexandrin est notre accroche depuis 2002. 
Nous avons créé alors nos premiers jouets textiles, poule, lapin, éléphant de Cilou, cheval-jupon, pose-bébé… 
Nous avons déniché nos premiers vêtements-jeux : les T-shirts imprimés en trompe l'oeil, nos premiers déguisements, nos premières marionnettes… et participé au prestigieux salon Maison et Objet pour la première fois, avec des jeux improbables, et superbes, comme le lit-bateau que nous transportions sur le toit de la voiture, et les peluches bouillottes remplies de graines d'épeautre.


Mannequin créé par Lola Gavarry pour présenter le T-shirt pirate

Inauguration d'AETRE 11/12/2002, Pub St Hilaire Paris

16 ans plus tard… Sur la photo de l'inauguration, une petite fille qui est devenue grande, mais les autres personnes n'ont pas tellement changé… Ni de visage, ni de dynamisme, ni d'énergie, ni de curiosité, ni de capacité à s'engager, à créer, à partager.

16 ans plus tard… La structure bouge, les activités tournent de plus en plus autour des marionnettes, avec des spectacles, des ateliers, et toutes sortes d'objets qui s'animent pour raconter des histoires… 
Sur notre site, suivez le théâtre àêtre, découvrez le carnet de bord, nos coups de coeur et nos idées de fabrication de marionnettes, trouvez des cadeaux pour enfants, ludiques, éthiques et esthétiques, dans la boutiqueOn continue ! 












mercredi 12 septembre 2018

M&O : Jouets en carton et en tissu

Maison&Objet est un salon du cadeau, qui a lieu 2 fois par an au Nord de Paris, où j'ai exposé pendant de très nombreuses années. Je le visite maintenant pour le plaisir, pour retrouver des amis, sentir les tendances, fouiner.

Voilà deux stands sur lesquels je me suis arrêtée et dont j'ai eu envie de parler.

CARAPAU
J'ai beaucoup aimé ces animaux en burel, un tissu d'artisanat portugais 100% pure laine, de la marque Carapau. Un beau design et un réel souci de l'environnement. Sur leur catalogue, chaque animal a sa place sur une grande carte du monde.  Chacun aussi un petit nom, prêt à être adopté. L'otarie est toute nouvelle, et j'ai oublié de demander comment elle s'appelle…


Cody le koala et Joe le kangourou, CARAPAU

Matt le crocodile marin et Jack le crocodile américain, CARAPAU

MISTER TODY
Sur le  stand "tout en carton" j'ai trouvé un joli cheval et un éléphant à bascule, et des véhicules dans lesquelles l'enfant se glisse et qui se portent avec des bretelles, avions, bateaux, voitures… comme le cheval jupon (en polaire) que Cilou Zelkine avait  créé avec moi aux débuts d'Aêtre. Ces jouets en carton sont créés et fabriqués en Belgique.

Avion Mister Tody
cheval à bascule Mister Tody
Voiture Mister Tody













Kit chevalier Mister Tody

Sur le même stand, une panoplie de chevalier à colorier soi-même..J'ai voulu voir si le heaume était confortable, oui, mais pas très convainquant, enfin, je fais plutôt blessé de guerre que conquérant…Un idée à creuser encore un peu !
















mardi 26 juin 2018

Mes poupées berbères

Une histoire de famille(s)
Dans la maison de mes grands-parents paternels, il y avait une famille de poupées en bois. C'étaient des poupées marocaines taillées dans un bois de cèdre assez fragile, et je savais bien que pour de vrai ce n'étaient pas des poupées pour jouer. Mon grand-père, qui me passait beaucoup de choses, me laissait-il jouer avec, ou en ai-je seulement rêvé ? Je les aimais beaucoup parce qu'il y avait toute une famille, le père, la mère, la grand-mère, le fils et un homme noir qui devait être leur esclave; et parce que ces personnages étaient sexués, ce qui dans les années 50 ne manquait pas d'intérêt !
Dans la maison de  mes grands-parents maternels, j'ai retrouvé une autre famille en bois, père, mère, grand-mère et esclave, sans l'enfant. Similaires mais pas identiques.







Grâce aux tatouages des femmes, on reconnait qu'il s'agit de deux familles différentes, avec un même tatouage pour la mère et la grand-mère. Elles sont tatouées sur le visage et la poitrine, et, pour une de ces familles seulement, sur les bras.
Hommes, femmes et enfant ont les pieds et les mains rougis au henné. Les hommes portent la barbe, pas l'homme noir. Tous ont les pieds plats pour bien tenir debout, et les bras articulés grâce à un clou. Les membres de l'une des familles sont dévêtus, les autres sont habillés d'un tissu très léger, assez grossier, avec quelques broderies maladroites en coton, pour les femmes. Les deux grands-mères, voutées, ont le poing serré et troué,  on peut y glisser un bâton, sans lequel elles ne tiennent pas debout.


Poupées de représailles
J'ai trouvé par hasard la trace de telles poupées dans un petit guide du Musée du Quai Branly. Ce sont des poupées berbères. Non pour jouer, mais pour représenter "un être humain en particulier". Sculptée, peinte, à l'image d'une personne fautive, la statuette était présentée à tous dans le village pour jeter l'opprobre sur le (ou la) coupable, qui était exclu(e) de la société pendant quelques jours, puis réintégré(e) après avoir fait amende honorable. La"poupée de justice" était alors rendue au coupable, et détruite.
Qu'on étende la honte à toute la famille, au point de faire tailler par un artisan la grand-mère, l'enfant et même l'éventuel esclave, me parait étrange… Et si ce sont de simples statuettes à l'effigie de quelqu'un, pourquoi ces bras mobiles ?


Témoins de l'histoire berbère
Pourrait-on retrouver l'origine de ces poupées par les tatouages, dessins berbères caractéristiques ?
La présence française a-t-elle amené les Berbères à abandonner cette tradition (vers 1914 semble-t-il) et les artisans ont-ils reporté leur savoir-faire sur des objets à destination des occidentaux et des collectionneurs ?

C'est peut-être dans une exposition de produits artisanaux que mes grands-parents, fonctionnaires français, qui habitaient tous les quatre à Rabat  dans les années 1920, ont acquis ces poupées, qui ne sont ni des jouets ni des oeuvres d'art. Ou les auraient-ils "sauvées" alors que leur "propriétaire" (le fautif repenti) s'apprêtait à les brûler ?

Sources : Transmission, Guide d'exploration des collections Musée Quai Branly Jacques Chirac 2018




vendredi 30 mars 2018

Pâque, mais "pas que…"

J'ai aimé la conclusion de l'interview de Delphine Horvilleur, rabbin, interrogée sur France Inter le 29 mars 2018. Jouant avec le mot de Pâque, ou de Pâques, selon qu'il s'agit d'une fête juive ou chrétienne, elle proposait que nous nous retrouvions tous dans une communauté de "pas que…". Juif, chrétien, musulman, athée, mais "pas que…"

Nous sommes tous des juifs et des allemands
En ces célébrations de 68, qui me rappellent surtout mon âge, comme le dit Dany, il me trotte dans la tête cette chanson de Dominique Grange, et ce slogan, apparu suite à un article du journal Minute : "Ce Cohn-Bendit, parce qu’il est juif et allemand, se prend pour un nouveau Karl Marx», et une déclaration de Georges Marchais dans l'Humanité : "ces groupuscules dirigés par l’anarchiste allemand Cohn-Bendit». Nous qui étions nés juste après la guerre, comment pouvions-nous entendre de tels propos, à droite comme à gauche, sans descendre et hurler dans la rue ? C'était ça aussi 68. (Mais pas que…)


Mais revenons à Pâque(s). Fête du passage et de la fin de l'esclavage, fête de la résurrection, fête de la renaissance de la nature… Courses aux oeufs qui s'organisent dans les communes, fête des enfants et des chocolatiers…

Un temps j'ai craint qu'on oublie la  chasse aux oeufs, qu'on se contente d'apporter aux enfants des chocolats dans leur paquet cadeau, contre un merci et un baiser, qu'on oublie le jeu de cache-cache et la magie de ces oeufs arrivés d'on ne sait où. Les cloches sont passées, ou peut-être le lièvre…Comme pour Noël, on fait semblant de ne pas savoir qu'il y a quelqu'un qui les a achetés…Et le plaisir est autant dans la quête, et le partage, que dans la consommation.
Chez nous, on ajoute aux oeufs des bébelles : de tout petits jouets, de tout petits cadeaux, de petites surprises. Des chocolats, mais pas que…